Chaque jour, des femmes et des hommes passionnés imaginent les rhums et les arrangés réunionnais. Leur crédo: fabriquer des produits de qualité. Rencontre.
Originaire du quartier du Bas-de-la-Rivière à Saint-Denis, Marie Ferrand pilote la distillerie Isautier depuis 9 ans. Traditionnel de sucrerie, traditionnel agricole, rhum vieux… L’élaboration du spiritueux n’a plus de secrets pour la jeune femme de 38 ans qui a découvert l’univers du rhum en intégrant la Maison Isautier en 2013.
Après son bac, elle intègre l’INSA à Lyon pour devenir ingénieur en biosciences. Elle commence sa carrière à l’étranger avant de rentrer sur son île natale pour travailler dans l’industrie locale. « Avant, comme beaucoup de Réunionnais, je ne connaissais que le rhum blanc et rien sur le rhum vieux. Mais c’est vite prenant : la fabrication du rhum fait appel à la chimie et à la microbiologie avec l’intervention des levures… Pour le rhum traditionnel, nous voulons un produit frais et fruité. Sur les rhums vieux, on recherche un produit équilibré et harmonieux car nous voulons préserver le côté fruit qu’on a au départ. Pour cela, nous utilisons des fûts à grain fin ce qui est assez atypique. »
A chaque démarrage de campagne sucrière, elle veille à la préparation de la colonne de distillation et au remplissage des cuves de fermentation. Un travail en flux tendu. Son trésor, les 460 fûts en bois de chêne de 350 litres installés dans le chai qui lui permettent de faire vieillir les rhums, de réaliser les assemblages et d’imaginer les rhums de demain en collaboration avec Matthieu Cosse, l’oenologue. En plus de la gamme permanente, Isautier propose depuis 2021 des séries limitées très recherchées par les amateurs et les collectionneurs grâce à ses fûts neufs et roux de cognac.
« Le chai est l’endroit qui me plaît le plus. Voir le rhum blanc se transformer dans les fûts, changer de couleur et d’arômes, je dis toujours que c’est un peu de la magie… Le procédé est simple, mais c’est tout un art de choisir le bon fût, de suivre le vieillissement et de savoir l’arrêter au bon moment. Maître de chai, c’est un métier très créatif. C’est très prenant et passionnant car chaque campagne est différente. Nous avons fait à la Réunion énormément de progrès sur la distillation, les rhums vieux sont d’excellente qualité. La Réunion n’a pas à rougir par rapport à ses concurrents. »
Son rhum favori ? Le rhum vieux 7 ans d’âge de la Maison Isautier : « j’en suis très fière, c’est un pur mélasse qui reflète bien le travail de vieillissement que l’on fait dans le chai, on y retrouve bien le fruit et la gourmandise, il est très équilibré et boisé juste ce qu’il faut ».
Cela fait maintenant 35 ans que Johnny Landais travaille au sein de la distillerie de Savanna. Originaire de Saint-Benoît, celui est aujourd’hui directeur d’exploitation et maître de chai a commencé comme laborantin en 1987 à une époque où la distillerie était encore installée à Saint-Paul, avant de déménager sur le site de Bois-Rouge à Saint-André. « Je ne connaissais rien au rhum à l’époque, j’ai tout appris au fur et à mesure. Je me suis formé en faisant les analyses au laboratoire. Je suis devenu responsable de production en 1989. Maître de chai n’est qu’un aspect de mon travail. »
Depuis Johnny Landais a l’œil sur tout : le choix des fûts, les assemblages, la réception de la mélasse lors du démarrage de la campagne sucrière… Le directeur d’exploitation doit aussi gérer tous les incidents et trouver des solutions à toutes les pannes qui peuvent intervenir.
Johnny Landais travaille en lien direct avec Thierry Grondin, responsable Recherche et Développement, recruté alors qu’il était doctorant. Docteur en chimie organique, c’est lui qui a mis au point les process et la recette finale des rhums « grand arôme » en 1999 que Savanna est le seul à proposer à La Réunion. Un poste clé car Savanna fabrique ses propres levures pour la fermentation de la mélasse.
« Ce que j’aime dans ce métier, c’est que la fabrication du rhum, c’est très varié, ce n’est jamais figé, on apprend des choses en permanence, même après 30 ans de métier ! C’est un métier avec de multiples facettes, on touche à tout. Ce n’est pas un métier de routine car chaque campagne est différente. »
Alors qu’elle opérait essentiellement en vrac, en 1995, la distillerie de Savanna décide de rapatrier ses fûts de Saint-Paul et de monter un nouveau chai pour travailler des gammes de rhums vieux en fûts de cognac d’occasion. En 2003, c’est la naissance de la marque Savanna. « Nous avons décidé de nous positionner sur des rhums haut de gamme. On a démarré avec un embouteillage manuel. »
D’une centaine de fûts, Savanna est passé à 1000 désormais, mais c’est bien insuffisant pour répondre à la demande en augmentation croissante. « Il n’y a pas de formule mathématique pour le vieillissement du rhum. Un même rhum mis en vieillissement dans des fûts différents ne va pas avoir le même goût au final. On choisit un rhum blanc pour ses particularités, puis on échantillonne, on teste, on goûte. C’est un vrai travail d’équipe. Les tendances de consommation évoluent, les rhums vieux sont en plein boum, les rhums avec un finish plaisent beaucoup et les amateurs demandent aussi des rhums avec des volumes d’alcool plus forts. A La Réunion, on est capable de proposer des rhums avec une identité forte, on doit en être fier. »
Bientôt 20 ans que Jean Grondin est amoureux d’un métier qui est venu à lui un peu par hasard : maître de chai de la marque Rivière du Mât. A 51 ans, ce Sainte-Suzannois d’origine reconnaît volontiers qu’il a un parcours atypique. Tour à tour serveur dans la restauration, pompier volontaire, technicien agricole ou menuisier… Jean Grondin rejoint Rivière du Mât en 2003 alors que la marque n’avait pas encore été rachetée par le groupe La Martiniquaise. La distillerie recherche un responsable pour organiser les chais, jusque-là gérés par la sucrerie du Gol. Si la distillerie Rivière du Mât est installée à Saint-Benoît, dans le quartier de Beaufonds, les vastes chais de vieillissement ont leurs quartiers à Saint-Louis, à l’ombre de l’immense usine sucrière du Gol. « Je ne connaissais rien à la fabrication du rhum, j’ai tout appris au fur et à mesure, grâce aux formations que j’ai eues quand je suis entré dans le groupe. L’objectif de Rivière du Mât était que j’acquière un nez et un palais pour la dégustation. »
A l’époque, Jean a une passion : les rhums arrangés. Depuis son enfance, il aide sa mère à en faire. Mais attention « le vrai rhum arrangé réunionnais » précise-t-il, à base d’épices uniquement (vanille, café, anis, écorces d’orange…), pas de fruits. « J’ai toujours été attaché aux valeurs traditionnelles de La Réunion. Mon père était dans la canne. Dans ma famille, le
rhum arrangé était une institution. Ma mère avait deux recettes très réputées : une forte pour les hommes et une plus douce pour ses amies. J’ai travaillé aux tous débuts du restaurant Le Saint Bernard à la Montagne, j’ai aidé à faire toute la collection de rhums arrangés. »
Depuis, Jean Grondin est passionné par son métier : « Ce qui me plaît, c’est de transformer un rhum blanc grâce au séjour en fûts et au poids des années : ça donne des rhums avec une grande élégance et une bonne teneur en bouche. On y retrouve des notes suaves, florales et vanillées ». Sa plus grande fierté, le XO de Rivière du Mât, le rhum qui pour lui représente le mieux l’esprit de la distillerie réunionnaise et le savoir-faire de la marque. « C’est un rhum facile à déguster, au profil aromatique très intéressant, qui se réveille au fil des minutes : il faut prendre son temps pour le déguster. »
Il travaille en étroite collaboration avec l’œnologue Christian Vergier, spécialiste mondial des spiritueux vieillis. Présidant à la destinée des 1900 fûts de 400 litres répartis dans les chais, Jean Grondin veille chaque jour à maintenir la qualité de toute la gamme Rivière du Mât qui s’est enrichie au fil du temps. « Nous avons beaucoup de rhums d’assemblage. Notre parc de fûts est sans cesse renouvelé en bois neuf pour maintenir le profil aromatique de nos rhums. Le bois français tempère le rhum. Nos blancs sont volcaniques et les fûts en bois français permettent d’arrondir les angles en leur apportant du gras, du relief, de la texture et de l’élégance. »
Vous devez être âgé(e) au minimum de 18 ans pour pouvoir accéder à notre site.
L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, à consommer avec modération.
Pour plus d’informations, consultez notre page « Promouvoir une consommation responsable ».